terça-feira, abril 05, 2005
Na Lire de Abril


A crítica a:
"La Mystérieuse Flamme de la reine Loana"

Umberto Eco, Grasset

L'enfance oubliée
por Jean-Rémi Barland

" Le narrateur a perdu la mémoire... A partir de cette intrigue, Umberto Eco explore avec lyrisme et acuité le monde du cerveau, des souvenirs perdus et des rêves. Brillant.

Cet homme sait tout, semble avoir tout lu et tout compris. C'est un Gengis Khan culturel, capable d'écraser sous le poids de son érudition et de son appétit intellectuel une armée de scientifiques, de chercheurs, de philosophes, de linguistes, ou d'épistémologues du monde entier. Umberto Eco poursuit le rêve, cher aux encyclopédistes, d'écrire le livre total qui cernerait l'absolu des choses, des êtres et des idées.

Dans Le nom de la rose et Le pendule de Foucault il posait la question du pouvoir absolu et s'interrogeait sur la place de l'homme au sein de sociétés régies par des systèmes politiques marqués du sceau des religions. Dans L'île du jour d'avant, il jouait au Robinson Crusoé des sciences, et, construisant des récits gigognes situés durant la guerre de Trente Ans, cette moitié du XVIIe siècle «où les découvertes d'autres mondes font chanceler les esprits», il signait un puissant roman cosmogonique sur le bon usage des planètes et du temps. Rationaliste, Umberto Eco impressionne autant par l'étendue de ses connaissances que par sa foi en la littérature. Il y a du Kant chez cet homme-là. Mâtiné de Leibniz. Une sorte de Critique de la raison pure qui aurait néanmoins fait des Trois Mousquetaires son livre de chevet.

Car, et c'est une constance dans ses écrits, notamment dans un ouvrage comme Lector in fabula, Umberto Eco affirme combien l'homme aime qu'on lui raconte des histoires, et se nourrit d'elles pour vivre. Des contes jusqu'à Madame Bovary, en passant par les romans de cape et d'épée, Eco n'a de cesse de rappeler que l'histoire du monde s'apparente à l'univers des fables et que la connaissance naquit un jour de l'étonnement. On trouvait dans L'île du jour d'avant cette pensée mise dans la bouche du personnage de Saint-Savin qui résonnait comme un manifeste narratif: «Le devoir d'un roman est d'enseigner tout en divertissant et ce qu'il enseigne c'est reconnaître les embûches du monde.» Dont acte! Umberto Eco a toujours construit ses romans sur ce précepte et La mystérieuse flamme de la reine Loana, son nouveau grand livre, ne déroge pas à la règle. Fantaisie narrative, mise en abyme romanesque, explications scientifiques... Umberto Eco mélange les genres et transforme ses personnages en porte-paroles de sa pensée. Certains pourront trouver ces «mises en bouche» philosophiques fort nourrissantes et trop copieuses, d'autres crieront au système. Mais les fans, eux, applaudiront. Pourtant, il faut avouer que durant au moins la moitié du roman l'émotion n'est guère invitée à ce festin de mots et d'assertions épistémologiques. (Nous sommes loin du Korsakov de Fottorino, beaucoup plus poignant sur le même sujet.) Force ou faiblesse du livre? En tout cas la cohérence est ici exemplaire: aucun chapitre n'est plaqué de manière artificielle, ni ne vient ralentir le rythme effréné de cette belle histoire de renaissance à soi-même.

De son vrai nom Giambattista Bodoni, Yambo, le narrateur, né fin 1931, sort amnésique d'un coma profond. Nous sommes en avril 1991. Commence pour lui la reconquête de sa mémoire en ruines. Ni son épouse Paola, ni son médecin personnel, Gratarolo, ni son meilleur ami, Gianni, ni ses deux filles, et ni ses trois petits-fils ne lui seront d'un grand secours: il a tout oublié de son passé, de son enfance, de ses racines. Umberto Eco, qui a fait de son héros malheureux - et ce n'est pas un hasard - un libraire antiquaire, propriétaire d'un cabinet de livres anciens, imagine que Yambo ne se souvient d'abord que des choses lues. Ce qui donne l'occasion au sémiologue-romancier italien de tout nous expliquer du fonctionnement des deux hémisphères du cerveau, montrant ainsi que «le souvenir est la construction d'un nouveau profil d'excitation neuronale», et non un objet déposé dans ce grand magasin que serait la mémoire, magasin où l'on irait le repêcher au moment où l'on voudrait s'en servir.

On le voit, Umberto Eco en connaît un rayon en médecine neuronale... mais trop malin pour se transformer en savant, il imagine que la mémoire de Yambo est avant tout une «mémoire de papier». Ce dernier évoque alors, une à une, toutes ses lectures passées: Les confessions de saint Augustin, mais aussi Rocambole, Fantomas, Les misérables, ainsi que Le comte de Monte-Cristo, sans oublier un nombre incalculable d'ouvrages pour la jeunesse dont on découvrira avec cette Mystérieuse flamme de la reine Loana leur importance capitale sur le cours du récit. Et comme pour étoffer sa thèse, Umberto Eco a enrichi son texte d'illustrations diverses (jaquettes de couvertures d'ouvrages, photos, reproductions d'affiches) qui montrent surtout que Yambo est, comme lui, un ancien enfant ébloui par les livres, sources de savoir, mais aussi véritables objets artistiques.

Une maison familiale au grenier chargé de trésors fonctionnera sur Yambo comme «Rosebud» sur Citizen Kane. Révélateur de secrets enfouis, ce grenier permettra au narrateur de parler de l'Italie sous Mussolini, de la résistance au fascisme, et de la belle Lila, inoubliable amour de jeunesse. «Enfer de l'Histoire, purgatoire de l'enfance, paradis de l'amour», Umberto Eco, par le biais de ce triptyque sacré - et d'un deuxième coma subi par Yambo -, annonce que l'apocalypse intérieure du narrateur est inévitable. Il signe en tout cas son livre le plus facile d'accès, et le plus intime. Né en 1932, Umberto Eco, qui a sensiblement le même âge que son héros, a - on le devine - puisé dans sa propre mémoire pour rebâtir celle de son personnage amnésique. Avec intelligence, humilité et un dépouillement stylistique inhabituel, l'écrivain nous promène en des contrées romanesques situées à la lisière du fantastique. Il dessine, superbement, la nouvelle patrie de Yambo: le pays de l'enfance, terre nourricière des mythes, où il convient, pour faire harmonieusement cohabiter sa Nature et sa Liberté, de ne pas abdiquer ses rêves fondateurs. Cela donne, alors, un grand livre ample et généreux."
posted by George Cassiel @ 4:54 da tarde  
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"Este era un cuco que traballou durante trinta anos nun reloxo. Cando lle chegou a hora da xubilación, o cuco regresou ao bosque de onde partira. Farto de cantar as horas, as medias e os cuartos, no bosque unicamente cantaba unha vez ao ano: a primavera en punto." Carlos López, Minimaladas (Premio Merlín 2007)

«Dedico estas histórias aos camponeses que não abandonaram a terra, para encher os nossos olhos de flores na primavera» Tonino Guerra, Livro das Igrejas Abandonadas

 
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